Réflexion sur le piège amoureux. Hommage à Saint-John Perse

 
Qu’est-ce que le piège amoureux ?
      C’est un lien à l’autre fondé sur le manque. Toute passion contient un noyau de destruction et de mort. La rupture passionnelle revient à confondre la fin de l’amour et l’idée de la mort. Feu, flamme, foudre, comme ses images, la passion est d’abord physique : c’est une maladie sexuellement transmissible ! Le mot vient du mot latin patior, qui signifie souffrir, éprouver, endurer. Il y a une passion de la passion, un amour de la souffrance que l’autre vous inflige toujours, parce qu’il est un autre, justement. D’où ce piège illogique et douloureux : l’autre devient le seul remède au mal dont il est la cause ! Dans notre culture, la passion est très valorisée, elle représente l’idéal amoureux alors même qu’on l’associe à la souffrance. L’amour n’est pas toujours une maladie, mais il est toujours quelque chose qui fait mal, une affection, aux deux sens du terme. Qu’est-ce qu’aimer quelqu’un, sinon lui donner le pouvoir de vous faire souffrir ?
       Mais il existe une autre maladie : l’incapacité d’aimer, de se lier, d’accepter l’altérité. Celui qui se croirait à l’abri de la passion serait bien plus fou que celui qui en a connu les affres. La passion de se passer de passion, de se passer des autres, porte un nom : la mort.
       A quoi sert d’aimer à la folie ? A rien. Cela sert simplement à nous sortir de nous-même, à désirer perdre. Quoi ? Un peu de sens, un peu de temps, un peu de soi. Les liens qui ne servent à rien sont peut-être les seuls qu’il soit nécessaire de nouer pour être des hommes et demeurer vivants.
 
 
D’après Michel Schneider, psychanalyste
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La poésie de Saint-John Perse, comme il l’affirme lui-même, procède par « la pensée analogique et symbolique, par l’illumination lointaine de l’image médiatrice, et par le jeu de ses correspondances, sur mille chaînes de réactions et d’associations étrangères » (Discours de Stockholm, Prix Nobel 1960).
 
   Perse prélève des éléments du réel, les sort de leur contexte par la périphrase ou la métaphore, les chargeant ainsi d’une énergie neuve qui permet le vaste processus allégorique de l’ensemble du poème. Ainsi l’interprétation de l’œuvre de Saint-John Perse est-elle exigeante car elle se fonde sur une attention vigilante au sens littéral, à la structure des poèmes, aux réseaux des analogies, à l’analyse des images et à l’étude du rythme.
 
    La poésie est obscure, en apparence, parce qu’elle utilise des procédés comme la périphrase, les images, les allusions, mais le lecteur doit se laisser guider par les mots, éclairer le texte par les autres textes, ou circuler dans le texte.
 
     Finalement la lecture de Saint-John Perse exige la rigueur du philologue, la culture de l’interprète, et peut-être aussi, une intense expérience de vivant. Parce que le poème ne s’adresse pas seulement à notre raison, mais « il s’adresse plus à notre vie qu’à notre esprit».
 
D’après Colette Camelin
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